Le graveur de poinçons commence par couper le barreau d’acier afin qu’il mesure 7 cm. L'une des extrémités du barreau est arrondie pour centrer la frappe du poinçon, tandis que l'autre est polie pour recevoir le dessin de la lettre. Ensuite, le graveur commence par effectuer un tracé du signe typographique sur l'extrémité polie du barreau d'acier. Il peut pour cela, il utilise le plus souvent un film plastique marqué à la pointe sèche, qu’il reporte sur le poinçon. Il peut aussi dessiner la création à main levée. Ce dessin est toujours effectué à l’envers.
Ensuite, le graveur de poinçons réalise le dégrossissage pour enlever le maximum de matière autour de son tracé. Ce travail se réalise debout, à l’étau. De retour à son établi, le graveur utilise deux techniques successives de gravure en taille directe. Il s’aide toujours d’une loupe pour bien voir le fruit de son travail.
La gravure à la lime
L’artisan lime l’acier en commençant par les contours extérieurs du caractère, pour s’approcher progressivement du tracé. Les parties intérieures, appelées contrepoinçons, ne sont ébauchées qu'une fois la hauteur de la lettre définitivement stabilisée. Le graveur de poinçons contrôle très régulièrement les dimensions de son caractère à l’aide de calibres.
La gravure à l’échoppe
Une fois la hauteur de la lettre contrôlée avec le calibre, le graveur commence à creuser les contrepoinçons les uns après les autres pour obtenir les creux souhaités et la bonne pente au talus (partie biseautée permettant à la lettre de ressortir). Il utilise des échoppes (rondes et plates) pour ce faire. Cette partie du travail est très délicate.
En finition, les limes de grains très fins sont utilisées de sorte à obtenir un contour parfait de la lettre. La qualité du contour externe et interne de la lettre dépend du polissage, et des retouches éventuelles. La perfection de la lettre est observée grâce au contrôle réalisé au noir de fumée sur papier.
Le poinçon en acier est porté à une température d’environ 800° C dans un four, puis il est plongé rapidement dans de l'eau à température ambiante : c’est la trempe. Après un trempage dans du vinaigre et un nettoyage minutieux, un deuxième traitement thermique est effectué : le revenu. Il permet de détendre les molécules de l'acier trempé, le rendant ainsi moins fragile à la frappe. Il est exécuté à l’œil sur une plaque chauffante, la température est d'environ 220° C. Le poinçon est alors prêt à être enfoncé en force et à froid dans la matrice.
La réfection concerne surtout des poinçons anciens de l’Imprimerie nationale. Pour une telle réfection, le graveur de poinçons doit réaliser un report de la lettre au noir de fumée : cela lui permet de reproduire le contour de la lettre avec une grande précision. Les étapes de réalisation du poinçon sont alors les mêmes que précisé ci-dessus. Toutefois, le contrôle au noir de fumée est différent. En effet, le graveur utilise un étalon de comparaison de l’ancien poinçon et du nouveau : ils doivent être rigoureusement identiques.
Nota : Cette partie du travail peut être réalisée par le fondeur de caractères. Nous vous invitons à vous référer à la fiche de ce métier pour plus de détails.
Le poinçon typographique est d’abord embouti à froid dans un bloc de cuivre appelé matrice (lettre en cuivre et à l'endroit). Ensuite, cette matrice de cuivre est justifiée puis intégrée dans un moule à arçon ou dans une fondeuse. De cette étape dépend la qualité des caractères qui sortiront de la fonte. Des milliers de caractères mobiles en relief et à l'envers sont ainsi fondus en plomb avant d’être utilisés pour l’impression.
Le graveur de poinçons est un dessinateur accompli. Il a une excellente capacité à se représenter le rendu final de son travail en relief et à l’endroit. Les différentes étapes de réalisation ou de réfection d’un poinçon s’échelonnent sur plusieurs semaines. L’apprentissage pour parfaitement maîtriser les gestes techniques est long, rigoureux et s’inscrit dans une répétition des gestes. Le graveur de poinçon doit donc faire preuve de persévérance.
La gravure de poinçon exige une précision et une attention méticuleuse aux détails. Le graveur est donc capable de travailler avec minutie pour obtenir des lignes et des motifs précis, ainsi que des finitions soignées. Il vérifie l’avancée de son travail tout au long du processus de gravure avec le calibrage qui est de l’ordre du centième de millimètre. En effet, les caractères créés ou reproduits doivent être dotés des mêmes caractéristiques pour que le rendu du texte, à l’impression, soit impeccable. Par ailleurs, ce professionnel est animé du désir de cultiver son regard par rapport à la lettre, à sa calligraphie et toutes les techniques qui en découlent.
Le graveur de poinçons a un geste sûr et une très bonne coordination main-œil. En effet, la gravure en taille directe à la lime et à l’échoppe demande une grande maîtrise, car une erreur est difficilement rattrapable. Cette technique est très physique : elle demande une concentration constante, et beaucoup de tension dans les mains, les bras et les épaules.
Le graveur de poinçons travaille dans un atelier, debout à l’étau et assis à l’établi. Il doit veiller au bon affûtage de ses outils, en particulier de ses échoppes, car la qualité de sa gravure en dépend. En France, il n’existe actuellement plus qu’une seule graveure de poinçons en activité, Annie Bocel. Elle travaille à son compte en étant inscrite à la Chambre des métiers et de l’artisanat. À l’Imprimerie Nationale, le fondeur de caractères Philippe Mérille, quant à lui, maîtrise toutes les étapes de la création de caractères typographiques, y compris la gravure.
Si la technique de la gravure de poinçons a été cristallisée en tant que profession et savoir-faire à préserver au cabinet des Poinçons de l’Imprimerie nationale, c’est aujourd’hui la création et l’ouverture à des techniques en lien avec la gravure qui prime chez les artisans indépendants français, comme étrangers. Ainsi diversifient-ils leur approche du métier pour en donner une vision plus large et plus contemporaine à travers, par exemple, des stages à l’atelier, des cours dans des écoles d’art. Le type de production est peu à peu diversifié, se détachant du poinçon typographique, pour aller vers plus de polyvalence : réalisation de poinçons de marque ou de fers à dorer (pour les relieurs).
Actuellement, seule l'Imprimerie nationale abrite, véhicule et continue à transmettre les différents savoir-faire de la chaîne typographique : du dessin de caractères à l'impression typographique, en passant par la gravure de poinçons typographiques, la fonte de caractères et la composition typographique manuelle et mécanique. Dans la pratique actuelle au sein de l'Imprimerie nationale, la gravure des poinçons et la frappe des matrices ont été rassemblées et se perpétuent ensemble au travers de la pratique du graveur. La gravure de poinçon n’est plus enseignée en tant que telle. Annie Bocel a une formation initiale de gravure en taille-douce, et Nelly Gable, qui l’a formée, avait des bases de gravure en modelé.